« Quand le chat n’est pas là … » de Jérôme Romain

04/11/2019

Oeuvres

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Parmi les œuvres d’un même artiste, certaines se distinguent. Par leur sujet, leur technique, leur histoire, leur « aboutissement » ou encore, par l’attachement que l’artiste peut avoir pour elles, ce qui génère en général des œuvres « clés » sinon majeures, dans l’ensemble de leur production. « Quand le chat n’est pas là… » fait partie de ces œuvres remarquables au sein de ce que l’on peut connaître et apprécier du travail de Jérôme Romain.

 

Pourtant, on y reconnaît bien sa « patte », ce qui le caractérise :

 

  • une technique et un style où la précision de l’hyper-réalisme, à se méprendre avec la photographie, côtoie, dans un ensemble pourtant très cohérent, la peinture plus « classique ». Et ici, les chaussures en sont un exemple parfait, à l’instar de l’ensemble du personnage, de ses vêtements, créant le réalisme, dans un environnement où le rendu de la peinture crée, lui, l’émotion.
  • ce traité d’ombre et lumières associé à cette palette de couleurs qui lui sont propres tout en nous rappelant Edward Hopper et la peinture américaine moderne
  • une part de mystère et d’interprétation quant aux scènes et sujets, nous interpellant.
  • enfin, pour ses scènes de vie, un cadrage toujours déséquilibré ou au point de vue décalé guidant notre regard dans la lecture de ses œuvres

 

 

Jérôme regroupe ses œuvres en trois séries avec pour dénominateur commun cette volonté de nous amener à regarder les choses autrement et parfois à bousculer nos aprioris en les « figeant» d’abord en photographie, puis en les peignant :

 

  • les "natures mortes", entre paquet de cigarettes écrasé, tubes de dentifrice, canettes de boissons, ces objets de consommation de notre quotidien qu'il reproduit avec un réalisme surprenant
  • "les gens " : autant de scènes diurnes livrées à notre regard sous forme d’instantanés, clichés, symboliques de notre vie, de notre quotidien, ou cocasses voire dérangeants.
  • « la nuit », enfin, dont est issue « quand le chat n’est pas là… », décors dans lequel il aime nous offrir ces moments étranges, décalés, parfois qui ont la sulfure de l’excès festif. Où il représente ces personnages du réel dont, la nuit venue, au cœur de la désinhibition, le comportement change (se révèle ?). Série où parfois le maquillage ou le port d’un masque rend anonymes (universels) ses personnages tout en accentuant l’effet festif, original, décalé de ces scènes, appelant inévitablement notre jugement 

 

Alors qu’est ce qui distingue « Quand le chat n’est pas là… » ?

 

Tout d’abord, en-dehors de quelques unes de ses petites toiles (40x40cm), il est très rare voire exceptionnel que Jérôme travaille en grand format sur une toile carrée. Ensuite, dans sa série « la nuit », jamais ses scènes nocturnes ne se situent dans un paysage ouvert en arrière plan, mais toujours en intérieur. Pour ces deux motifs, cette œuvre a constitué un challenge technique particulier et inhabituel pour l’artiste pour qui cette œuvre s’inscrit résolument, et de son propre aveu, dans son travail permanent de remise en question, d’évolution, notamment technique.

Ensuite, si beaucoup des œuvres de Jérôme Romain sont issues de photos prises sur l’instant, ou sinon de compositions de plusieurs photos, l’appareil étant resté sur pied à l’endroit choisi par l’artiste, certaines sont de réelles mises en scènes, inspirées de l’envie de Jérôme. Celle-ci en est une et avec la particularité de ré-utiliser ce masque de souris déjà visible dans « Présentation » (ci-dessous). Si cette dernière provient d’une photo « instantanée », lors d’une soirée où un des invités était venu avec ce masque, pour "Quand le chat n'est pas là..." Jérôme a eu envie d'en travailler la mise en scène, d'aller plus loin en choisissant ce jardin d’enfant devant lequel il passe régulièrement en journée, sélectionnant la tenue du modèle également.

Les oeuvres de Jérôme est un travail de mise en scène et de mise en peinture de cette « comédie humaine » dont il est le témoin et dont il nous livre ses clichés avec ce regard que sa peinture sert, en orientant le nôtre.

Jérôme dit « observer et aimer observer le comportement des gens (révélateur autant de notre époque que de l’Humain), ou l’instant fugace d’une lumière qui passe, sinon simplement s’arrêter sur un objet de notre quotidien. Et cela, pour vous inviter, toujours, à vous aussi observer et regarder les choses autrement ».

 

A ce stade je ne peux m’empêcher de penser aux photographies de David LaChappelle (que vous me « suiviez » ou non dans cette référence) et en particulier à ses grandes mises en scènes de personnages. Pour trois raisons :

 

  • la palette de couleur commune quand il s’agit de traiter « la nuit » et ses jeux d’ombre et de lumière
  • l’aspect figé des personnages, où on ne retrouve pas à proprement parler leur « mouvement » mais au contraire des modèles stoppant leur mouvement le temps du cliché, accentuant l’effet de « tableau scénique »
  • la volonté de nous interpeller sur ce que nous sommes (d’une manière plus ou moins refoulée, inhibée)

 

 

Alors, qui se cache derrière ce masque, quel est, qui est cet homme dans ce jardin d’enfant ? Qu’en pensez vous, que vous évoque t’il ? L’excès de notre société de consommation, une invitation à plus de légèreté enfantine dans ce monde où notre image compte et où nous « n’osons » pas, ou alors, à condition de rester… masqué ? Quand le chat n’est pas là … Etes vous chat ou souris ?

Pas de message précis donc dans les œuvres de Jérôme, juste une invitation à la réflexion, à l’introspection, et ce … tout en Art, technique impeccable, et Esthétisme.

 

 David LaChapelle : La scène   

Article publié par LJ Art Traffik